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LA VANILLE



Auteur: Vincent Poles

La Vanille, la vanille et j'aurais même pu l'écrire une troisième fois tant ce mot est déjà agréable à lire et à entendre. Pourtant l'histoire étymologique de ce terme si souvent prononcé dans le monde des gourmandises sucrées est assez originale et méconnue. Il s'agit en fait d'un dérivé du mot espagnol signifiant une gousse "vainilla" qui est lui-même dérivé du latin "vagina"... Voilà je pense donc que vous aurez trouvé assez aisément un autre mot issu de ce même terme latin ! Plutôt original et inattendu n'est-ce pas ? Cependant ce fun fact n'est pas le seul intérêt de cet article qui j'espère vous fera découvrir encore plus de choses sur ce fruit !



C'est quoi sa petite histoire à la vanille ?



Oui vous avez bien lu : j'ai parlé de fruit pour désigner la vanille. Décidément que de surprises !

La vanille est en fait le fruit de certaines variétés d'orchidées grimpantes qui se développent en lianes et que l'on appelle aussi "vanilliers". Il en existe une centaine d'espèces mais seules 3 sont cultivées car assez aromatiques. Toujours une question d'arôme avec la chic gousse noire. Et les arômes justement varient en fonction de la zone de culture. Mais d'ailleurs à propos de zone de culture la vanille on a commencé à la cultiver où ? A La Réunion ? À Tahiti ? À Madagascar ?

Dans aucun de ces coins-là en fait : même si Madagascar est aujourd'hui le plus gros producteur mondial, c'est en réalité plutôt vers le golfe du Mexique que les premières utilisations de la vanille sont connues. Les Totonaques qui produisaient pour les Mayas puis les Aztèques sont les premiers gourmands à découvrir le goût de la vanille et ils ont même une légende très poétique de l'apparition de la vanille sur leur terre.

La princesse Tzacopontziza et le prince Zkatan-Oxga était liés d'un amour éternel qu'on leur interdisait de vivre. Après une tentative de fuite des deux amoureux, les prêtres de la déesse des récoltes "Tonoacayohua" les rattrapèrent dans les jardins d'un temple et les décapitèrent immédiatement. Leur sang mêlé fit alors pousser un arbre robuste et une liane s'enlaçant autour de celui-ci. De cette dernière apparut la gousse aromatique.


Voilà pour la jolie légende mais la consommation alors, c'était pour faire quoi au début ?! Et bien la vanille est finalement depuis toujours très associée au chocolat car les premiers peuples Sud-américains l'utilisaient pour donner plus de saveurs à une boisson à base de cacao. Mais pourquoi est-ce qu'on a perdu ça ?! Je veux trouver une adresse qui propose un super chocolat chaud à la vanille !! Si vous avez ça à nous partager je suis preneur !


Par la suite les Espagnols lors de la conquête du continent Sud-américains furent tout de suite séduits par cette boisson et par la vanille. Très rapidement ce trésor culinaire débarque en Europe et au 17ème siècle ce nouveau parfum est dans toutes les cuisines d'Europe et surtout très apprécié de la cour française.

Le Mexique va garder le monopole de la production pendant encore deux siècles malgré les tentatives des colons français d'en produire sur les territoires d'outre-mer où des variétés de vanillier étaient déjà répertoriées. L'avantage du Mexique résidait dans une abeille locale qui assurait la fécondation des fleurs permettant d'obtenir des gousses. Mais finalement en 1841, un jeune esclave de l'île Bourbon (actuelle île de La Réunion), nommé Edmond Albius, développa la technique de pollinisation à la main encore utilisée de nos jours.

Les sols riches et les températures des îles malgaches et réunionnaises étaient parfaits pour la culture de la vanille c'est donc l'avènement de la vanille de Bourbon que l'on connaît tous aujourd'hui.



La culture de la vanille, l'héritage d'Edmond Albius



Comme raconté ci-dessus la technique découverte par le malin jeune homme pour permettre la fécondation des fleurs de l'orchidée est toujours utilisée aujourd'hui, ce qui montre bien que la culture de la vanille est encore très manuelle et demande un vrai savoir-faire pour de la vanille de qualité. Les étapes sont nombreuses avant de pouvoir déguster une bonne glace aux arômes subtilement vanillés chez votre glacier préféré.


Tout commence par la plantation qui se fait très majoritairement en forêt (forcément plutôt tropicale, pas besoin d’essayer au bois de Vincennes) ou alors sous serres (entendre entouré de filets, avec des tuteurs). La plante d'où vient la vanille a besoin d’ombre et de soleil, une température moyenne comprise en 21 et 31 degrés et également d’un sol riche en matières organiques. Cela fait déjà des critères assez sélectifs pour la plantation (il y a aussi l’altitude, etc…) qui expliquent que la vanille ne peut pas pousser partout. Donc je le disais, pour se développer il faudra de l’ombre au vanillier mais pour fleurir il a également besoin de soleil : c’est la raison pour laquelle les lianes vont grimper le long des arbres pour chercher du soleil. Au bout d’un an à peu près les lianes atteignent 10 mètres. À ce moment-là, il est temps de les décrocher en partie pour que celles-ci bouclent et arrivent à hauteur d’hommes : on verra pourquoi après.

Un vanillier met 3 ans environ avant de produire ses premières fleurs qui pourront donner des gousses.


Choses importantes à savoir : si on ne voit pas de vanille bio en magasin, c’est parce que la vanille est naturellement bio car elle a besoin d’un environnement (arbre pour s'agripper, sol riche en matières organiques, etc…) où les engrais et les pesticides n’auront pas d'intérêt.

Une fois que les fleurs apparaissent entre septembre et mi-décembre il faut que le producteur vienne féconder une à une les fleurs ouvertes à la main. C'est à ce moment qu'on remercie Edmond et il avait 12 ans seulement ! Vous aviez découvert quoi vous à 12 ans ? Où votre maman cachait son porte-monnaie peut-être ?! Utile pour acheter de la vanille remarque ! ENFIN BREF reprenons.


Il est important de passer chaque jour car la fleur ne vit qu’une journée. Le lendemain de son éclosion ça sera trop tard. On n'a pas toujours le choix dans la date malheureusement.

La fécondation que doit réaliser le cultivateur consiste en fait à déchirer très délicatement un pétale qui est une protection stérile séparant l’étamine chargée de pollen du pistil. Une fois cela fait, à l’aide de son pouce on va pouvoir les mettre en contact pour permettre la pollinisation. Pour avoir de belles gousses, généralement on ne féconde qu’une dizaine de fleurs maximum par grappes (15-20 fleurs par grappes) pour qu’elles puissent bien se développer.

À partir d'ici le procédé qui va suivre s'applique à la variété de vanille la plus commune (la fameuse Bourbon de La Réunion, Madagascar, etc…) car par exemple la vanille de Tahiti ne demande pas ce procédé (car la gousse ne risque pas de s'ouvrir en continuant de mûrir et de perdre ses arômes (on vous renvoie à l'épisode du podcast consacré !).

Après environ 2 mois, on a nos gousses qui ont leur taille définitive mais elles vont encore continuer de mûrir pendant 7 mois. Là on peut passer à la récolte. Une fois récoltées, les gousses sont plongées dans un bain à 65 degrés pendant 3 minutes : c’est l’échaudage pour éviter que la gousse ne s’ouvre et faire en sorte que les arômes restent bien à l’intérieur. Une fois cela fait, on va faire transpirer la gousse pendant 24h dans une étuve puis on les fait sécher au soleil 5-6 heures par jour pendant 15 jours. Puis on va continuer le séchage à l’ombre pendant encore 2 à 3 mois en fonction de leur taille. Là commence une étape de tri et d’affinage pour “catégoriser” les gousses avant qu’elles ne soient vendues.


Avant de conclure sur la production de la vanille, il y a un dernier élément qu’il est important de rappeler, à savoir que le réchauffement climatique a un réel impact sur les vanilleraies. Le vanillier a besoin d’une période de « stress » plus froide en hiver pour que des fleurs puissent éclore. Sans cette période où l’orchidée se dit qu’elle ne survivra pas et qu’elle doit alors développer ses bourgeons pour la dernière fois, la culture de la vanille ne sera plus possible.



Et alors la vanille, trop chère ?



Alors avant de savoir si c’est trop cher, c’est bien de savoir avant tout comment on reconnaît de la bonne vanille. Parce que quitte à utiliser cet or noir qui a un certain coût, autant utiliser des belles gousses ! Le premier critère de qualité est assez simple à repérer puisqu’il s’agit de la taille de la gousse. En effet la taille de la gousse est très parlante de la maîtrise du cultivateur dans le processus de fécondation. Plus la fleur est manipulée avec dextérité plus la gousse se développera bien. Evidemment les producteurs savent très bien juger de la qualité de leurs gousses et forcément le prix sera différent en fonction de la taille.

Mais d’autres indices visuels fonctionnent, peu importe la taille : une gousse bien noire, brillante, charnue et souple aura beaucoup de chance d’être remplie d’arômes ! Quand je dis souple il faut pratiquement pouvoir faire un nœud avec celle-ci sans qu’elle ne casse et là, si on a tous ces critères, ça sera une bombe de parfum qui se trouvera à l’intérieur de cette longiligne tige noire !


Donc du coup question prix on est comment là avec la vanille ?? Pour l’instant le cours de la vanille, que ça soit de Tahiti ou la vanille Bourbon n’est pas prêt de se stabiliser. Là où l’évolution du prix de la vanille de Tahiti est d’une progression plus constante et régulière (entre 10 et 15% d’augmentation chaque année environ), le prix de la vanille de Madagascar fait quant à lui totalement les montagnes russes (d’une année à l’autre le prix peut être en baisse puis re-décoller davantage l’année qui suit) et son prix a tendance à augmenter plus rapidement. En 2010 par exemple le prix au kilo de la vanille malgache était de 40-45 euros pour atteindre aujourd’hui un prix de négociation entre 500 et 600 euros. La vanille de Tahiti elle valait déjà environ 260 euros le kilo en 2004 pour atteindre actuellement un tarif compris entre 600 et 700 euros.

La tendance est que la vanille Bourbon, qui représente 80% de la production mondiale, deviendra bientôt plus chère que la vanille tahitienne (0,5% de la production mondiale) alors que sa qualité baisse.

Des nouveaux pays producteurs se lancent dans la culture de nos gousses préférées comme l’Ouganda, l’Indonésie, les Iles Tonga entre autres et plus récemment le Brésil et la Chine. A voir comment le prix et la qualité de la vanille sur le marché évoluera.

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Des produits de substitutions comme le sucre vanillé, la poudre de vanille ou l’extrait de vanille existent pour obtenir un goût de vanille à moindre coût. Cependant la qualité peut être très variable, il existe des extraits faits à base de vanilline chimique mais également des extraits aujourd’hui de bien meilleure qualité faits à base de gousses, qui offrent en prime les graines de vanille qu’on aime retrouver dans le visuel de nos gourmandises. Pour donner un ordre d'idée qui exprime bien que la vanilline chimique est nettement plus présente que les alternatives plus qualitatives, la production mondiale de vanille de synthèse est de l'ordre de 12.000 tonnes par an, là où la production de vanille naturelle correspond à 30 tonnes annuelles.

On comprend donc facilement que même si des alternatives de qualité correcte existent, elles ne sont pas encore très répandues. Mais une autre solution existe !! C'est de faire ces dérivés à la maison avec vos gousses utilisées. Après avoir réalisé votre recette avec les grains de vanille il suffit :

_de mettre cette/ces gousse(s) dans du sucre à l'intérieur d'un récipient bien hermétique pour que les arômes de vanille se diffusent dans le sucre.

_de faire sécher vos gousses au four pendant 10 minutes à 170 degrés ou alors pendant 1 ou 2 jours à l'air libre puis de les mixer pour obtenir de la poudre de vanille.



Conclusion



La vanille a beau être l'arôme préféré des Français et être très implantée dans notre culture gastronomique, ses origines que ça soit étymologique ou historique étaient très mystérieuses encore. Mais j'ai bien utilisé le passé dans ma phrase précédente car maintenant vous avez tous les éléments pour briller autour de vous lors de votre prochaines régalades vanillées. Cet été au moment d'acheter des glaces, quand un de vos amis choisira le parfum vanille : "tiens tu connais la légende de la princesse Tzacopontziza et du prince Zkatan-Oxga ?...". Bon le plus dur sera de retenir les noms par contre... Sinon faites plus simple en disant "Tu sais quel mot est issu de la même base latine que le mot vanille ?". Marche aussi lors d'un dîner avec la belle-famille où le repas se termine par une panna-cotta vanille. À vous d'adapter l'anecdote à la situation après.

Pour finir par une note plus sérieuse la vanille dans sa production est quelque chose de très délicat qui peut souffrir très vite des soucis climatiques actuels. Ce parfum si subtil, si riche en arôme et si reconnaissable... Il serait vraiment dommage de le voir disparaître et il est important de penser à l'impact de notre mode de vie sur toutes les choses que l'on connaît et que l'on apprécie, même minimes comme une simple gousse.

J'espère que cet article vous aura donné envie de déguster un petit plaisir sucré comme au hasard la tarte vanille pécan de Yann Menguy ou la tarte Infiniment Vanille de Pierre Hermé. AU HASARD !


Vanillement vôtre.




Sources :

Livre "Vanille" par Christophe Adam


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