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Une autre idée de l'apprentissage

Dernière mise à jour : 2 août 2020

Auteurs: Jean-Pierre Lesbats, en co-discussion avec sa femme, Laure-Anne


Après l’enregistrement de notre épisode avec Jean-Pierre Lesbats, nous avons eu un long échange sur le thème de l’apprentissage, et notre formateur de Ferrandi nous parlait de toutes les idées et réflexions qu’il avait eues à ce sujet. Nous tenions absolument à pouvoir les consigner quelque part et c’est ainsi que l’idée de cet article, certes un peu technique, mais pas moins essentiel à nos yeux, a vu le jour.


L’alternance se développe de plus en plus, comme un remède envers les difficultés d’emploi des jeunes. Elle permet en effet d’étudier tout en travaillant, mais cette organisation recouvre des réalités différentes. Entre Bac pro, CAP, contrat d’apprentissage et contrat de professionnalisation, il est parfois difficile de s’y retrouver. D’après l’ONISEP (office national d’information sur les enseignements et les professions), la différence entre ces deux derniers contrats est la suivante :

  • Destiné aux jeunes de 16 à 29 ans révolus, le contrat d’apprentissage est le type de contrat le plus répandu pour les élèves qui se forment en alternance. La formation est dispensée dans un CFA (centre de formation des apprentis) ou dans un établissement qui collabore avec un CFA (pour la partie théorique) et en entreprise (pour la partie professionnelle).

  • Destiné aux jeunes de moins de 26 ans (en priorité à ceux qui connaissent des difficultés scolaires) et aux demandeurs d’emploi de tout âge, le contrat de professionnalisation comprend une période de formation minimum de 150 heures. La formation est dispensée par un organisme de formation continue ou par l'entreprise elle-même.

Il est également difficile de s’y retrouver parce que les modalités d’alternance diffèrent selon les établissements. Pour mieux comprendre tout cela, nous sommes donc allés discuter avec Jean-Pierre Lesbats car nous savions qu’il avait quelques idées et propositions à faire pour réformer l’apprentissage. En réalité, voici quelques pistes issues d’un thé accompagné d’un gâteau à la noisette partagé avec Jean-Pierre et Laure-Anne, sa femme, professeur de physique chimie.


Pourquoi faudrait-il apporter des modifications au système d’apprentissage tel qu’il est

actuellement ?


Il est important que les gens se rendent compte qu’on ne peut plus travailler comme on travaillait il y a 50 ans. La formation, et encore plus quand elle se lie avec le monde du travail, doit également s’adapter à l’évolution des modes de vie.

Quand on voit le nombre de gens qui entrent dans le métier et le nombre de ceux qui y restent, on se rend facilement compte qu’il y a un problème... Les exigences sont trop violentes et le choc trop brutal entre la sortie du cursus scolaire et l’entrée en apprentissage. Rappelons que la plupart des jeunes qui entrent en apprentissage le font après la 3e, donc à 14 ans. Les chiffres de ce « décrochage » sont difficiles à trouver, et probablement propres à chaque établissement mais il serait intéressant de savoir combien abandonnent en cours de formation. Même si l’on n’a pas de chiffre précis, Jean-Pierre en est certain, il y en a trop et c’est déjà un indicateur du fait que la formation n’est pas adaptée.


Ensuite bien sûr, les différences de statut pour les deux filières de la formation professionnelle initiale – scolaire pour les élèves de lycée professionnel, salarié pour les apprentis – conditionnent la conception du décrochage. Car, à ce possible traumatisme d’une entrée violente et prématurée dans le monde du travail, s’ajoute une disparité de situations, de statuts et de formations dispensées.

Ainsi, il n’existe que quelques Centres de Formation d’Apprentis (CFA) qui dépendent de l’Education nationale : on ne parlera alors pas d’apprentissage mais de stages en entreprise. Notons enfin que les élèves n’ont pas un statut adapté : ils ont un statut étudiant (« étudiant des métiers ») alors qu’ils sont salariés, ce qui peut poser problème pour leur couverture sociale. D’autant plus qu’ils pratiquent un métier où les accidents du travail ont de grandes chances de survenir.

Jean-Pierre critique également le manque de lisibilité et de simplicité des différentes formations et des diplômes auxquelles elles aboutissent. Pourquoi ne pas créer tout simplement un BTS pâtisserie, au lieu de parler de BM Pâtissier (Brevet de Maîtrise) et d’un BTM (Brevet Technique des Métiers), qui ne sont même pas des diplômes nationaux ?


Il s’agirait également, dans un pays où les métiers manuels ne sont pas toujours valorisés, de

questionner les raisons pour lesquelles les jeunes entrent en apprentissage. Est-ce parce que les portes des études générales leurs sont fermées ou par conviction réelle ? D’une part, le plus souvent, on empêche les élèves brillants dans la filière classique d’accéder aux formations professionnalisantes, et d’autre part, on envoie les moins scolaires en pâture. Or l’exigence d’un apprentissage en terme scolaire est réelle, et la réussite de cet apprentissage est d’ailleurs conditionnée par la réussite aux examens.

Laure-Anne intervient à ce moment pour porter à notre attention le fait qu’aucune passerelle

institutionnelle n’existe. Par exemple, cette élève de 3e voulait faire de la pâtisserie... Or, comme nous l’avons dit plus haut, les CFA qui relèvent de l’Education nationale sont peu nombreux et les places sont donc rares. Paradoxe parmi d’autres : ce sont par conséquence les meilleurs élèves qui y ont accès. En conseil de classe, l’élève, qui ne fait pas partie de la tête de classe, se voit ainsi orientée vers la restauration d’entreprise (!). Rien à voir avec la pâtisserie !

Combien de jeunes élèves n’ont pas la chance d’avoir une professeure de physique dont le mari est formateur de pâtisserie dans une des écoles les plus réputées de France ? Celle dont nous parlons a pu être renseignée et aidée par Jean-Pierre et Laure-Anne, mais cette dernière souligne : si ce n’est pas l’élève qui prend l’initiative et fait ses recherches de sa propre démarche, le système ne l’aidera pas, au contraire.


Plus de 30 ans d'enseignement à Ferrandi !


Comment l’apprentissage de demain pourrait-il être ?


Jean-Pierre loue les mérites du DIMA : le Dispositif d’Intégration aux Métiers de l’Apprentissage. Ces classes à petits effectifs visent à faire découvrir le secteur d'activité professionnelle des métiers de l'alimentation par le biais de stages en entreprise et un temps de réflexion théorique et pratique en Centre de Formation. Dans celui de Ferrandi, qui n’existe malheureusement plus, les élèves découvraient 4 métiers (pâtissier, boulanger, cuisinier et serveur), et ce, dès la 3e.


L’enjeu principal, pour le formateur, est de redonner le goût et de faire comprendre que l’école est indissociable de l’apprentissage. Pour ce faire, afin d’éviter un changement de vie violent, ne serait- ce que du point de vue des horaires, il préconise une entrée en matière progressive. A chaque étape de la réflexion sur l’apprentissage, il faut se rappeler que les apprentis sont jeunes, à mi-chemin entre l’enfance et l’adolescence, et qu’ils se retrouvent catapultés dans l’univers professionnel, avec des collègues et des conditions de travail qui leur sont inconnus.


Pour harmoniser les formations, voici un cursus qui pourrait exister :

  • 1 ère année non engageante. L’engagement se fait sur cette année, mais pas sur la vie entière (que ce soit du point de vue de l’entreprise choisie ou de la formation). Concrètement, cela passe par une absence de rémunération, et un statut d’écolier. C’est une année de découverte destinée à savoir si l’entreprise convient au jeune, et permettant au patron de voir s’il veut poursuivre son apprentissage. Niveau rythme, un ou deux jours à l’école sont nécessaires pour continuer les matières générales (en vue d’une éventuelle reprise scolaire « classique » si l’élève renonce au choix d’apprentissage et souhaite retourner en seconde)

  • Les 2 e et 3 e années sont celles de l’adaptation aux impératifs professionnels. Elles se décomposeraient en 2 semaines école / 2 semaines entreprises (ce rythme sert à ne pas oublier tout à fait ce qu’il se passe de « l’autre côté »). L’emploi du temps s’adapte aux temps forts du métier : tout le mois du décembre, et tout le mois d’avril (Noël, Pâques) en entreprise.

Pour ce qui est des cours, un programme allégé semble plus favorable à l’apprentissage : Jean-Pierre propose des cours de 8h à 15h et une session d’aide au travail par les professeurs à l’école. (une sorte de tutorat) de 15 à 17h. Dans ce cas de figure, on allègerait les journées mais on allongerait l’année scolaire : jusqu’à fin juin. Pour ce qui se fait actuellement, à titre d’exemple à Ferrandi : pour une journée, les cours ont lieu de 7h à 18h + les devoirs + l’entreprise... C'est dense !


Et voici une première ébauche de réflexion sur le sujet !

Nous invitons tous nos lecteurs, apprentis ou non, à partager leur ressenti et leurs expériences : que pensent-ils du système actuel, que pensent-ils des propositions de Jean-Pierre et Laure-Anne ?


Pour ceux qui ne sont pas du métier et n’ont pas été formés en apprentissage, saviez-vous quelle était la réalité de cette formation qui commence si jeune ?


Pour ceux qui sont du métier, comment avez-vous vécu votre apprentissage ?

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